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La notion de l’équilibrage est au cœur de nombreux jeux, surtout ceux qui mettent la compétition particulièrement en avant. Quels sont subtilités à connaître pour cet exercice tout en nuance ?
- Qu’est-ce que l’équilibrage d’un jeu vidéo
- Equilibrage symétrique et asymétrique
- Les catégories de jeux multijoueur
- Le Metagame
Qu’est-ce que l’équilibrage d’un jeu vidéo
La notion d’équilibrer son jeu intervient souvent tard dans le processus de développement. Toutefois, il reste crucial pour finement ajuster l’expérience du joueur.
On peut résumer les différentes épreuves trouvées dans un jeu vidéo comme une suite de problèmes à résoudre. Le joueur a à sa disposition un grand champ de possibilités, et il peut la plupart du temps utiliser plusieurs méthodes pour approcher la situation.
On appelle « équilibrage » les paramètres les plus fins qui dictent la manière dont fonctionnent précisément les mécaniques de gameplay du jeu. En fonction de ces détails, le joueur peut être incité à utiliser plus une option qu’une autre, selon ses besoins.
Il peut s’agir par exemple d’une simple question de chiffre. Un sort de boule de feu sera bien plus souvent utilisé si il inflige 50 points de dégâts que si il n’en infligeait que 20.
L’objectif de l’équilibrage est, dans l’ensemble, de pousser le joueur à diversifier ses options de gameplay et de faire en sorte que la plupart des possibilités à sa disposition soient aussi utiles les unes que les autres.
Si le joueur peut utiliser des magies de différents éléments, l’équilibrage revient par exemple à faire en sorte que foudre, eau, terre ou feu paraissent être des choix viables, au lieu d’en rendre un plus fort que tous les autres.
Si cette notion est importante dans le jeu solo, elle est fondamentale dans le cas du multijoueur, car il est souvent important que tous commencent sur un pied d’égalité relatif.
Equilibrage symétrique et asymétrique
On retrouve deux manières de concevoir l’équilibrage d’un jeu vidéo prévu pour plusieurs personnes, en fonction des possibilités laissées aux joueurs.
Equilibrage symétrique
Dans cette catégorie, tous les participants ont accès exactement aux mêmes mécaniques de gameplay. Tous commencent en partant d’une même situation initiale, et pour peu qu’ils fassent exactement la même chose, ils se retrouveraient avec le même résultat que leurs voisins (en dehors de quelques mécaniques aléatoires occasionnelles). Toutefois, la divergence de décisions tactiques permet au contraire d’acquérir un avantage sur un adversaire.
L’exemple le plus simple sont les échecs, qui mettent les deux joueurs strictement dans la même position. Le jeu ne favorise aucun des deux camps. Cela n’empêche pourtant pas ce jeu millénaire d’être d’une grande complexité et d’attirer encore aujourd’hui des adeptes.
Ce principe reste cependant assez rare dans le jeu vidéo, et n’a vraiment de sens que lors d’un affrontement en un contre un.
Exemples vidéoludiques : Starcraft (si les mêmes factions sont choisies), Tetris, Towerfall, Left 4 Dead
Equilibrage asymétrique
Suivant la logique inverse, on parle d’équilibrage asymétrique lorsque les joueurs n’ont pas accès aux mêmes capacités ou mécaniques de gameplay. La plupart du temps la manière générale dont se joue le jeu est la même pour tous les participants (même buts, carte et règles), mais ils démarrent avec des capacités spécifiques qui changent la manière dont ils vont jouer.
Les jeux de combat sont de très bons exemples, et parmi les premiers à avoir proposé ce genre de système de manière poussée. Dans Street Fighter, Hibuki, un personnage rushdown, possède une palette d’attaques et de technique très différentes de Zangief, un grappler. Hibuki, plus rapide et agile, va harceler son adversaire d’attaques répétées tandis que Zangief, plus lent, va faire de lourds dégâts s’il parvient à attraper la ninja.Tous les joueurs ne commencent donc pas strictement sur un pied d’égalité. Toutefois, il est possible de paramétrer un jeu pour que tous les personnages aient, entre les mains de joueurs compétents, grossièrement les mêmes chances de victoire.
Cette méthode est extrêmement populaire car elle permet de rendre un jeu beaucoup plus riche, complexe et imprévisible. Elle permet aussi aux joueurs de choisir quel type de gameplay leur convient le mieux en fonction de leurs préférences.
Exemples : League of Legends, Overwatch, Team Fortress 2, World of Warcraft, Street Fighter
Quelle démarche pour équilibrer l’incomparable ?
Les jeux avec des gameplays asymétriques sont souvent bien plus difficiles à équilibrer que leurs équivalents plus stables. C’est bien la raison pour laquelle la plupart des titres compétitifs utilisant ce principe aujourd’hui patchent régulièrement leurs jeux pour affiner ces paramètres.
Le but premier lorsqu’on veut équilibrer un aspect du jeu reste de respecter autant que possible son « game feel » l’esprit de comment un personnage, un rôle ou une faction est censé être joué. Si un personnage est conçu pour être très mobile, voire insaisissable, il est important de ne pas lui retirer ce qui le rend unique.
De manière générale, l’option la plus simple consiste à rendre donner à chaque option des forces et faiblesses très marquées. Aucune n’est universellement bonne mais elles se spécialisent vers un style de jeu et des stratégies différentes, afin combler leurs manques ou d’exploiter leurs avantages.
L’astuce est donc de ne créer que des personnages puissants, voire dominants dans certains aspects, tout en donnant aux joueurs des options de counterplay pour pouvoir leur résister.
Les catégories de jeux multijoueur
Il existe plusieurs moyens de concevoir un jeu impliquant plusieurs joueurs. Chaque catégorie prodigue un certain type d’expérience, de dynamique entre les joueurs et a besoin de différentes formes d’équilibrage
Les jeux coopératifs (ou coop)
Dans un jeu coopératif, les joueurs sont unis face un front commun. Ils jouent tous dans la même équipe et possèdent le même but, qui revient la plupart du temps à lutter contre l’ordinateur.
Il s’agit du cas où la notion d’équilibrage peut être plus laxiste, moins sujette à conflit. Le fait d’avoir des capacités puissantes n’est pas réellement un problème car elles seront toutes utilisées pour faciliter la tâche du groupe.
Là où les développeurs interviennent ici est de faire en sorte que tous les membres du groupe aient un rôle et une importance, afin de renforcer les interactions entre les joueurs. Cela peut par exemple facilement s’effectuer en spécialisant les différents personnages, en les rendant capables d’actions que les autres ne peuvent pas effectuer, ou moins bien.
La « trinité » des rôles de la plupart des MMORPG, mise en place par World of Warcraft, en est un bon exemple. Pour affronter des défis plus ardus, les groupes se décomposent en trois grands rôles, qui dépendent de la classe et de l’équipement des personnages :
- Les tanks, des aventuriers en armure lourde et avec des capacités défensives qui vont attirer les ennemis sur eux plutôt que sur leurs compagnons.
- Les soigneurs, qui se focalisent sur garder le groupe en vie, retirer les poisons et les avertir des dangers.
- Les DPS (damage per second), qui font le gros des dégâts et possèdent des capacités plus explosives pour rapidement démolir leurs ennemis.
Jeux compétitifs
Les jeux compétitifs, à l’inverse, se concentrent sur l’affrontement direct entre les joueurs (bien qu’il arrive que des intelligences artificielles ou le hasard interviennent pour pimenter les parties). Il peut varier d’un duel entre 2 personnes, comme dans un VS Fighter, à une mêlée générale de plusieurs centaines de joueurs où il ne peut en rester qu’un, comme dans le Battle royale.
Le but ici du designer ici est de faire en sorte que, parmi la grande diversité de possibilités laissées au joueur, chaque option soit à la fois unique, intéressante à jouer, mais aie surtout des chances de victoires équivalentes à celles de ses adversaires.
Un jeu compétitif est considéré « équilibré » quand tous ses personnages ont, sur un très grand échantillon mélangeant tous les niveaux et les matchups, environ 50% de chance de victoire.
C’est un équilibre souvent très délicat, qui dépend beaucoup des capacités des joueurs impliqués. A un niveau plus élevé, comme dans l’Esport, un personnage qui gagne 52% du temps sera surreprésenté et un autre à 55% ou plus sera dominant.
Les jeux compétitifs sont toutefois conçus pour être équilibrés et amusants qu’à la condition qu’ils réunissent des joueurs de niveau équivalent. Aujourd’hui, la grande majorité des jeux multijoueur en ligne possèdent un système de matchmaking efficace afin de déterminer le niveau moyen d’un joueur (souvent en utilisant un dérivé du système Elo) et leur trouver un adversaire approprié.
Les jeux équipe VS équipe
Enfin, on retrouve une forme plus récente du jeu vidéo compétitif, mettant deux équipes l’une face à l’autre. Ces jeux tendent à plus grande échelle combinent des aspects du jeu coopératif et compétitifs, forçant les joueurs à s’organiser pour battre leurs adversaires.
Pour fonctionner, il est généralement nécessaire de rendre la victoire d’un des deux camps basée plus ou moins directement sur plusieurs facteurs et conditions. Pour pouvoir y répondre, les rouages d’une équipe doivent travailler ensemble, séparer leurs tâches pour être plus efficaces que l’équipe adversaire.
Exemple
League of Legends est un exemple solide de ce fonctionnement. Chaque joueur de ces équipes de 5 se voit associé un rôle bien défini, aiguillé par la classe de son personnage.
Traditionnellement, le top laner se charge d’être l’initiateur, résistant et capable d’engager l’équipe ennemie. Le jungler va enchaîner les attaques surprises depuis à sa position dissimulée. Le midlaner est joué par un personnage offensif qui profite de sa position centrale pour aider ses alliés. Enfin, à la botlane on retrouve le carry, qui fera la majorité des dégâts aux tours (ce qui fait gagner la partie) et le support, un personnage défensif qui est chargé de le maintenir son équipe en vie.
Chaque rôle est essentiel dans l’équipe et pénalise l’ensemble s’il traîne derrière ou est mal joué. Cette stratégie s’écrase ensuite contre celle de l’équipe adverse, qui peut très bien utiliser une composition différente pour gagner un effet de surprise.
Le Metagame
Tout joueur désire normalement gagner. Cela est encore plus vrai dans le cas de jeux plus compétitifs.
Pour peu qu’un jeu, surtout multijoueur, gagne en popularité, il se développera alors organiquement ce qu’on appelle un « metagame ». Il s’agit comme son nom l’indique d’un « jeu en dehors du jeu », ou plus spécifiquement, un jeu pour trouver la meilleure manière de jouer au jeu.
Ce metagame est entièrement construit et géré par les joueurs, mais il est influencé par la manière dont le jeu est conçu. Loin d’être fixe, ce dernier évolue, à la fois lorsqu’un jeu est modifié, qu’on y ajoute du contenu ou qu’on l’équilibre, mais aussi naturellement en fonction des innovations trouvées par ces communautés.
Super Smash Bros Melee est un cas ou cela est très visible. Ce jeu qui approche de ses 19 ans aujourd’hui est sorti sur Gamecube, et n’a donc jamais reçu de patch modifiant l’équilibre de son jeu. Pourtant, la tier list (une liste qui détermine le niveau de puissance global de ses personnages) n’a eu de cesse d’évoluer au fur et à mesure que les joueurs professionnels ont affiné leurs compétences et stratégies.
Rondoudou était à l’origine considéré comme un combattant médiocre. Aujourd’hui, il s’agit du personnage emblématique de Hungrybox, le plus grand champion actuel sur ce jeu encore très souvent joué compétitivement.
Les counterplays
Il peut être très difficile d’anticiper quelle forme prendra le metagame de son jeu d’un point de vue de développeur. En revanche, ils disposent aujourd’hui de nombreux outils qui leur permettent d’examiner ces communautés et d’avoir accès à des données sur leurs jeux.
Il est donc recommandé de véritablement adapter vos jeux en fonction des retours et des stratégies utilisées par les joueurs plutôt que par une estimation interne, souvent erronée. Si un aspect apparaît comme véritablement dominant, surreprésenté ou marquant pour les joueurs, il est probablement temps d’introduire plusieurs formes de counterplay.
Les counterplay sont des actions accessibles pour la plupart des joueurs afin leur permettre de lutter directement contre les actions d’autres joueurs. Idéalement, toutes les mécaniques d’un jeu doivent être accompagnées d’une forme de contre qui force les deux joueurs à effectuer des choix intéressants.
Par exemple, l’invisibilité est une capacité très puissante dans DOTA 2, mais pour y répondre, les joueurs ont à leur tour la capacité d’acheter des poudres de détection afin d’attraper ces héros souvent très fragiles. Les héros invisibles peuvent ainsi jouer plus prudemment contre un joueur aux sens aiguisés, mais ce dernier va devoir investir de nombreuses pièces d’or pour continuer à ce rythme.
Le metagame lui-même peut ainsi être décomposé en une succession élaborée de counterplays. Personnage A domine, ce qui pousse beaucoup de joueurs à l’incarner. Personnage B possède un léger avantage sur personnage A, ce qui entraîne à son tour une nouvelle vague de joueurs B. Le processus se répète avec un personnage C et ainsi de suite jusqu’à atteindre un point d’équilibre.
Savoir influencer plus ou moins subtilement dans cet écosystème fragile est la marque des grands game designers. L’équilibrage reste un des aspects les plus spécifique et étroit du jeu vidéo, et très peu de studios, même renommés, parviennent à trouver une formule appropriée à leurs jeux. Il n’y a pas d’autre solution que de tester continuellement son jeu et de voir comment sa playerbase réagit.
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