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Alors que le jeu vidéo continue sa croissance, nombreux sont les regards qui se tournent vers la Chine, qui s’est récemment fait un nom dans le paysage vidéoludique. Ce pays présente toutefois de nombreuses spécificités qui en font un cas à part.
- Tencent : Le géant chinois déploie ses racines
- Distributeurs, consommateurs, mais rarement créateurs
- Des relations difficiles avec le jeu vidéo
- Des jeux approuvés au compte-goutte
- Des consoles presque inexistantes…
- … mais un marché florissant pour PC et mobile
- Une économie qui façonne le gaming
- L’étrange exception de Steam qui rend l’indépendance possible.
Historiquement, le jeu vidéo s’est toujours concentré autour de trois grands pôles mondiaux : le Japon, les Etats-Unis, et l’Europe, constituée de nombreux acteurs hétéroclites : France, Royaume-Unis, Pologne, Allemagne…
Cette situation n’a d’ailleurs presque pas évolué, ce depuis les débuts du jeu vidéo, dans les années 80. Cela peut sembler étonnant lorsqu’on prend en compte la puissance économique colossale de la Chine et ses 1,38 milliards d’habitants. On pourrait s’attendre, avec autant de créateurs potentiels, à voir cette région rayonner d’innovation dans le monde du jeu vidéo.
Le continent exerce clairement un poids dans l’industrie. En 2018, pas moins de 25% des recettes américaines liées au jeu vidéo ont été réalisées en Chine. Pourtant, ce pays reste étrangement absent du paysage vidéoludique ; très rares sont les jeux chinois parvenant à dépasser ces frontières, et plus exceptionnels encore sont les cas où ils connaissent un succès à l’international.
Ces dernières années, on a toutefois pu voir de nombreux studios essayer de propager leur influence en Chine. Avec une telle population, certains futurs créateurs peuvent souhaiter se tourner vers cette alternative.
Tencent : Le géant chinois déploie ses racines
Lorsqu’on mentionne Chine et jeu vidéo, la plupart des yeux se tournent vers Tencent. Cela n’a rien d’étonnant : en l’espace d’une vingtaine d’année, ce conglomérat spécialisé dans les produits high-tech est devenu la plus grande entreprise vendant des jeux vidéo au monde.
Chose peu commune, sa fortune a d’ailleurs été construite principalement grâce au jeu online PC. En 2018, Tencent a récolté à lui seul 46% des recettes liées au jeu vidéo en Chine, et 10% de celle du monde entier.
Ce géant chinois a récemment su faire parler de lui, en investissant lourdement auprès de nombreux studios à succès aux quatre coins du monde. Tencent cherche à obtenir par là une influence auprès de ces créateurs, ainsi que les droits de distribution distribution exclusifs en Chine. Cette stratégie semble payer, puisque l’entreprise possède aujourd’hui un catalogue colossal, avec des parts dans plusieurs des jeux les plus populaires au monde.
Tencent est notamment actionnaire majoritaire chez Riot Games, les créateurs de l’indétrônable League of Legends, Grinding Gear Games, les néo zélandais à l’origine de Path of Exile ou SuperCell, qui enchaîne des succès sur mobile comme Clash of Clan.
Tencent détient également une part conséquente du capital d’entreprises comme Epic Games (Fortnite), Bluehole (PUBG), Blizzard et même Ubisoft. Le conglomérat dispose même d’une des plus grandes plateformes de téléchargement accessible en Chine, WeGame.
Distributeurs, consommateurs, mais rarement créateurs
Avec des géants comme Tencent ou son concurrent direct NetEase, qui utilise une stratégie similaire, on pourrait logiquement s’attendre à voir des créations chinoises fleurir sur le marché mondial.
Ce n’est cependant pas le cas ; en dehors de quelques exceptions telles que Arena of Valor ou Ring of Elysium, ces grands éditeurs ne développent en réalité qu’assez peu de jeux, qui ne quittent presque jamais la Chine. On remarquera d’ailleurs que la majorité de ces titres sont des clones pour ou moins flagrants d’autres licences à succès.
Crossfire copie fidèlement Counter Strike, Arena of Valor remplace League of Legends et Ring of Elysium tente d’émuler PUBG.
Crossfire, par Tencent
Counter Strike Go, par Valve
Le succès de ces entreprises réside donc principalement dans leurs influences auprès de studios étrangers. Tencent exerce d’ailleurs une stratégie quelque peu particulière. Alors qu’après un rachat, la plupart des éditeurs cherchent à acquérir un certain contrôle de ces licences, l’entreprise adopte une position de laisser-faire. Elle n’intervient presque pas dans le processus de développement, laissant une autonomie complète aux studios qu’elle rachète.
Cela est quelque peu en train de changer. On peut voir des débuts de collaboration plus poussées, notamment avec l’extension rapide de Riot Games, développant aujourd’hui en parallèle un grand nombre de jeux. Tencent développe également bon nombre d’applications mobile y compris certains importants projets comme Call of Duty: Mobile.
Toutefois, le principal rôle de ces entreprises aujourd’hui reste de servir comme porte d’entrée sur le marché chinois. Leur objectif est en effet d’obtenir les droits de distribution des licences les plus populaires au monde afin de les propager en Chine.
Cela n’est pas une mince affaire ; en dehors de cet accès privilégié, ce pays se montre particulièrement difficile d’accès.
Des relations difficiles avec le jeu vidéo
Le Parti Communiste Chinois (PCC) a presque toujours été en froid avec le jeu vidéo. Dès ses débuts, les dirigeants du pays ont montré une certaine méfiance envers cette nouvelle technologie. Le PCC a pendant longtemps considéré ce loisir comme tout bonnement dangereux, capable de rendre la jeunesse accro ou même de servir d’outil de propagande occidentale et japonaise.
Sans être totalement rendu illégal, de nombreuses restrictions ont été imposées sur le jeu vidéo au fil des ans. Elles comprennent de lourds frais de douane, des modifications importantes pour s’adapter aux sensibilités chinoises (ex: censure du sang, des os et squelettes, violence, nudité partielle…), mais aussi des interdictions totales de jeux et même de consoles.
Des jeux approuvés au compte-goutte
Ces régulations se poursuivent toujours aujourd’hui dans une certaine mesure. Chaque jeu distribué en Chine doit être approuvé par le PCC, cependant cet accord qui peut être fluctuant. On a pu ainsi voir des jeux comme Monster Hunter World y être tout simplement retiré de la vente, ou d’autres comme Fortnite ou PUBG être temporairement interdits, blâmés pour leur gameplay « violent ».
Si on prend en compte le nombre très important de nouvelles sorties chaque année, ces autorisations s’effectuent au compte-goutte. L’année dernière, seuls 1980 titres ont été approuvés par l’administration chinoise, qui admet elle-même être dépassée par la croissance rapide du jeu vidéo.
Sortir un jeu visant spécifiquement le marché chinois s’avère donc relativement risqué, surtout s’il possède un caractère violent ou irrévérencieux.
De par leurs tailles plus modestes, les jeux indépendants tendent également à être tout simplement ignorés par ce grand filtre.
Des consoles presque inexistantes…
Les développeurs et éditeurs désireux de percer le marché chinois doivent également prendre en compte quelques différences dans les habitudes de consommations de ces habitants. Le jeu vidéo a en effet évolué de manière très différente en Chine, façonné par ces mesures gouvernementales.
L’exemple le plus frappant peut se voir dans le cas des consoles. Dès les années 80, on peut constater des restrictions sévères en ce qui concerne les premières consoles de salon et l’arcade. Ces mesures ont culminé en 2000, lorsque la Chine a annoncé une interdiction presque totale de la vente de toutes consoles et jeux de salon.
Quelques consoles et jeux spécifiques étaient parfois exceptionnellement autorisés, mais jamais accessibles de manière conséquente. Un marché noir s’est donc organisé, tentant d’importer des consoles étrangères à prix coûtant ou proposant différentes contrefaçons de titres populaires.
Cette interdiction ne fut levée qu’assez récemment, en 2015, ce qui a permis aux éditeurs de consoles de progressivement regagner le continent. La Switch de Nintendo fut la dernière grande console a rejoindre le mouvement en décembre dernier, là encore en collaboration avec Tencent. Cependant, cette longue absence en plein boom de la culture vidéoludique a laissé ses marques.
Le jeu vidéo console en Chine demeure extrêmement minoritaire, loin des habitudes des joueurs. Sur les 35 milliards d’euros générés par l’industrie du jeu vidéo chinoise en 2018, moins d’un milliard provenait de ventes sur consoles. En comparaison, on assiste à ratio proche du 60/40 en faveur des consoles en France.
… mais un marché florissant pour PC et mobile
En l’absence de consoles, il n’est ainsi pas étonnant de voir que la quasi-totalité de la culture vidéoludique chinoise s’est développée autour du PC, et plus récemment du téléphone portable.
Le PC a été pendant longtemps l’instrument de choix du gamer chinois, plus flexible et capable de rapidement copier et distribuer des jeux.
Le portable a également représenté sa propre petite révolution, en rendant le gaming accessible au plus grand nombre. Aujourd’hui, la Chine est l’endroit où le marché du jeu vidéo mobile est le plus développé au monde. Les développeurs de jeux y prolifèrent, multipliant les applications reprenant et adaptant les grands succès du jeu vidéo.
Beaucoup d’éditeurs étrangers ne s’y sont d’ailleurs pas trompé. La récente tendance qui consiste à réaliser des spin-offs de licences populaires sur mobile, comme Diablo Immortal ou Mario Kart Tour, vise avant tout bel et bien le marché chinois.
Une économie qui façonne le gaming
Le revenu moyen en Chine est plus faible que dans la plupart des pays développés. On peut alors remarquer que, indirectement, ces restrictions budgétaires vont directement influencer la manière dont s’organise le jeu vidéo en Chine.
Beaucoup n’ayant pas accès à un ordinateur ou à une connexion internet stable, le jeu PC s’est naturellement beaucoup regroupé autour de cyber-cafés, extrêmement nombreux et populaires dans toute l’Asie du sud-est. Le jeu PC y est culturellement devenu un loisir invitant à la réunion. Sans surprise, ces joueurs ont naturellement développé un certain amour pour les jeux collaboratifs en ligne et la compétition, notamment les MMOs, les MOBAs et les autres Esports
Le jeu mobile montre lui aussi le reflet des conditions économiques chinoises. La quasi-totalité de ces applications sont des freemium financés par des microtransactions. Peu de jeux se vendent réellement en Chine : ils comptent des paiements occasionnels de cette population très importante pour financer leur présence autrement gratuite.
L’étrange exception de Steam qui rend l’indépendance possible.
On pourrait ainsi croire le marché chinois actuel uniquement accessible pour de grands jeux à succès. C’est sans compter néanmoins sur une exception à la règle que personne n’est réellement en mesure d’expliquer : Steam.
Steam est la plus grosse plateforme de téléchargement au monde, réputée pour accueillir tous types de jeux, du plus humble indie game au plus grand succès AAA. Or, elle est entièrement accessible en Chine, esquivant les censures qui s’imposeraient normalement.
En fait, de nombreux jeux encore non-approuvés ou rejetetés par le PCC peuvent être trouvés sur Steam et téléchargés sans aucun réel problème. Epic Game, plateforme concurrente fonctionnant sur le même principe, semble également avoir rejoint récemment cette dance.
La Chine étant pourtant capable de stopper la firme américaine, il n’y a aucune explication officielle permettant d’expliquer ce phénomène. Ce trou dans le grand firewall de Chine existe pourtant depuis des années, agissant comme une porte d’entrée aux studios indépendants, qui sont donc en réalité facilement accessibles pour un utilisateur moyen.
De l’autre, le governement ne semble pas prêt d’arrêter ses régulations, et prévoit d’en instaurer davantages. Il est par exemple prévu d’instaurer un couvre-feu forcé, empêchant les mineurs de jouer plus de 90 minutes par jour.
Ce pays reste néanmoins, ne serait-ce que par sa taille, une cible de choix. Il peut s’attendre à le voir être courtisé par de plus en plus d’éditeurs et de développeurs au cours des prochaines années.
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