Autrefois une conséquence des limitations informatiques, le Pixel Art est revenu en force dans le monde du jeu vidéo. Voici quelques raisons pour lesquelles il s’agit d’un style graphique particulièrement apprécié des studios indépendants comme des joueurs.

 

Qu’est-ce qu’un pixel et une résolution ?

« Pixel » est l’abréviation de « picture element ». C’est l’unité de base qui permet de créer une image numérique. Il s’agit simplement d’un petit carré coloré qui, une fois rassemblé avec de nombreux semblables, permet de constituer une image. Il s’agit un peu de l’équivalent d’un rassemblement d’atomes qui forment un tout. La résolution d’une image numérique désigne ainsi la densité de pixels présents pour la définir. Plus ils sont nombreux, plus l’image est nette et précise (jusqu’au point où l’œil humain n’est plus capable de les discerner la différence).

De nos jours, les pixels sont encore universellement utilisés pour tous types d’écrans, mais leurs tailles et densités dont devenues telles qu’on ne remarque plus leur présence qu’en zoomant à l’extrême sur une image. Il existait une époque cependant où les ordinateurs n’avaient pas les performances nécessaires pour accomplir cet exploit.

 

Les origines du Pixel Art

Le pixel art n’a jamais réellement été prévu ni même souhaité : il s’agit simplement de la conséquence logique des limitations des premières consoles et ordinateurs. Si le terme « pixel » est apparu très tôt dans l’histoire de l’informatique, le fait de l’associer au concept « d’art » est plutôt récent. Le jeu vidéo est tout particulièrement sensible à ces limitations car, pour obtenir un même résultat, il demande une puissance de calcul bien supérieure à ce qu’une simple vidéo demanderait.

Ainsi, pour obtenir un rendu fluide sur d’anciens jeux, il était nécessaire de réduire cette résolution à l’extrême. La NES de Nintendo, considérée par beaucoup comme LA première grande console de salon, ne pouvait afficher que 256 pixels horizontaux et 240 verticaux. La première incarnation de Mario, le héros moustachu le plus iconique du loisir vidéoludique, tenait quant à elle sur à peine 16 pixels de haut pour 12 de large. Pour référence, la plupart des écrans actuels en affichent un minimum de 1920 sur 1080.

La 3D ne faisant réellement son entrée qu’au cours de la seconde moitié des années 90 avec la sortie de la sixième génération de consoles (Nintendo 64, Playstation, Sega Saturn), tout l’affichage s’effectuait également par le biais de sprites. Il s’agit d’images fixes qui s’enchaînent rapidement sur l’écran afin de simuler une impression de mouvement, de la même manière qu’opérerait un dessin animé. Les premières apparitions des personnages du jeu vidéo se traduisaient ainsi par des séries d’images fixes et composées de très peu de pixels. Leur taille augmentée les rendait alors particulièrement voyants, donnant un aspect assez cubique à ces mondes et ne permettant réellement d’inclure que des formes simplistes. Cela n’a cependant pas empêché certaines entreprises de produire des jeux magnifiques à regarder en soignant correctement leurs designs.

Avec l’arrivée progressive de machines plus puissantes, les pixels ont rapetissé et ont progressivement commencé à devenir indissociables afin d’atteindre la qualité d’image qu’on connaît aujourd’hui. L’industrie vidéoludique dans son ensemble s’est alors vite détournée de ces techniques sur pixels, privilégiant des rendus vectorisés, plus adaptés aux polygones.

Un hommage au rétrogaming réadopté par la scène indépendante

À première vue, il peut être étonnant de constater qu’après des années d’améliorations graphiques et l’accès à bien plus de pixels que nécessaire, l’utilisation de gros pixels est encore largement d’actualité. En effet, on retrouve énormément de jeux, notamment sur la scène indépendante, qui réutilisent le principe et l’esthétique de ces anciens designs, avec parmi eux plusieurs succès fulgurants. On peut citer Minecraft, Terraria, Broforce, Dead Cells, Towerfall et bien d’autres. Visant à l’anoblir, on dénomme désormais cette pratique faussement rétro « pixel art ».

Les raisons pour lesquelles ces nombreux studios adoptent ces techniques complètement délaissées de la quasi-totalité de l’industrie vidéoludique sont diverses. On retrouve dans un premier temps un hommage au rétrogaming : la pratique de volontairement chercher à jouer à d’anciens jeux, ces derniers dégageant une certaine aura par leur esthétique et gameplay particuliers. Cette pratique ayant grandement gagné en popularité avec le partage des différentes roms par le biais de la démocratisation d’Internet, il n’est pas étonnant de voir que de forts rapprochements avec les indie games se sont développés en parallèle.

Certains jeux comme Shovel Knight ou Undertale se veulent ainsi des lettres d’amours à d’autres genres de jeux de nos jours abandonnés, à savoir respectivement Megaman et Earthbound. Cette affiliation à elle seule a grandement joué dans leur attrait auprès du public et dans leurs campagnes marketing, beaucoup de joueurs souhaitant découvrir ou redécouvrir des versions modernes de ces classiques. Cependant, rendre hommage au passé n’est pas la seule raison qui explique la grande popularité du Pixel Art auprès des indépendants.

Un style visuel plus reconnaissable

En raison de la limitation du nombre de pixels, le Pixel Art ne permet pas réellement de travailler sur la finesse de détails. En conséquence, on remarque que très tôt, les univers vidéoludiques ont adopté des personnages et designs avec des caractéristiques particulièrement reconnaissables, ne serait-ce que pour pouvoir se démarquer. L’exemple le plus fameux est encore ici celui de Mario. L’apparence de ce héros italien est presque entièrement le fruit de ces limitations. En effet, avec une limitation de 16 pixels sur 12, une casquette est plus facile à reproduire que des cheveux, une moustache se voit plus facilement qu’une bouche et une salopette permet d’avoir un vêtement uniforme et pourtant reconnaissable.

Par ces limitations, le Pixel Art force la créativité : il devient alors essentiel de créer des personnages qui sont, à défaut d’être beaux et détaillés, reconnaissables voire iconiques. Les différents concepts arts doivent être simplifiés pour la fluidité du gameplay, ce qui permet d’avoir des environnements et des personnages qui se démarquent et qui s’ancrent plus facilement dans l’esprit des fans. Dans le jeu vidéo, la direction artistique prime bien souvent sur la qualité des graphismes. On remarquera d’ailleurs que, dans le cas de la plupart des héros de licences ayant survécu au fil des âges, leurs apparences n’ont que très peu évolué, preuve que leur design est particulièrement solide, universel et capable de résister aux épreuves du temps.

Un game art accessible à chacun

Le Pixel Art est, avant tout autre chose, facile à créer. En effet, s’il n’y a pas de différence au niveau du processus d’intégration de contenu graphique entre un Pixel Art et des textures haute définition, ces dernières sont bien évidemment plus ardues à réaliser, même pour des artistes confirmés. Le Pixel Art, bien qu’il demande d’autres compétences créatives spécifiques, ne nécessite pas de posséder des facultés particulières en dessin et peut être abordé par quiconque relativement facilement, car il s’agit d’une création qu’on peut réaliser petit à petit.

Il s’agit de l’une des grandes raisons pour lesquelles on le retrouve particulièrement sur la scène indépendante : bien souvent, les membres des équipes qui composent ces petits studios n’ont pas toujours entre leurs mains les compétences nécessaires pour couvrir tous les aspects d’un jeu. En d’autres termes, il arrive assez fréquemment que ces studios ne possèdent pas de Game Artist attitré ou qu’ils soient composés d’une seule personne dont le dessin n’est pas réellement la spécialité. Le Pixel Art dans ces conditions devient une technique permettant d’obtenir des rendus certes minimalistes, mais corrects et souvent tolérés voire appréciés par les fans.

Cependant, cela ne signifie pas que ces techniques n’ont aucune utilité pour les pros du dessin : en plus d’un rendu esthétique particulier, entre les mains d’un expert confirmé, le Pixel Art permet d’entreprendre des travaux au-delà du niveau ses compétences normales.

Exemples de jeux au Pixel Art particulièrement travaillé

Owlboy

Malgré un développement particulièrement chaotique, il est indéniable qu’Owlboy est l’un des plus beaux jeux en Pixel Art de la scène indépendante. Cela s’explique par le nombre important de sprites utilisés pour fluidifier chaque animation ainsi que par la qualité de sa direction artistique, privilégiant surtout les couleurs chatoyantes. Owlboy est cependant un signal d’alarme pour les développeurs désireux entreprendre des projets d’une telle ampleur. Ce jeu a en effet été développé en l’espace de neuf ans, une grosse partie de ce projet ayant été dédié au dessin et à la création de cet univers. Le Pixel Art n’est ainsi pas forcément un gain de temps et peut se montrer tout aussi éprouvant que des œuvres en haute résolution si l’on entreprend des projets aussi pharaoniques.

Metal Slug

La saga des Metal Slug est un classique dans le monde du Pixel Art et de l’animation 2D pour son character design, la fluidité et la beauté de ses animations. Il s’agit d’une belle démonstration sur les capacités du Pixel Art à pouvoir s’adapter à des jeux dynamiques pour peu que la fluidité du jeu soit conservée. La saga est d’ailleurs si fière de son travail qu’elle a conservé ce style artistique depuis 1996 jusqu’à 2009.

Octopath Traveler

Bien que les jeux réalisés en Pixel Art soient légion dans le jeu indépendant, ils sont beaucoup plus rares chez les studios AAA. Octopath Traveler est une exception à la règle, exprimant lui aussi la volonté d’un retour aux sources aux vieux JRPG. Si la réalisation des sprites est relativement classique, l’utilisation de lumières dynamiques (technologie bien plus récente que l’invention du Pixel Art) permet de créer des environnements à l’apparence dynamique et de mettre en relief les modèles déjà présents. Le jeu utilise de manière générale un subtil mélange avec l’incrustation d’éléments 3D lors de scènes de bataille qui permettent notamment à la magie de ressortir d’autant plus.

Comment réaliser du Pixel Art

Le principe du Pixel Art est relativement facile à comprendre et à appliquer. Il s’agit d’un choix qui se fait tôt dans la réalisation du jeu, notamment au moment de la mise en place de la charte graphique et de la réalisation des premiers concept arts. Il est en effet fortement déconseillé (à moins d’être à la recherche d’un effet de style spécifique) de mêler Pixel Art avec toute autre forme de dessin plus élaborée.

La plupart du temps, créer une œuvre en Pixel Art revient principalement à concevoir un design particulier et détaillé, puis à le briser en plusieurs éléments afin de pouvoir le convertir dans un format plus pixélisé. Le degré de pixellisation, ou plus précisément la résolution finale du jeu, est important et peut grandement affecter son rendu. Le Pixel Art est principalement un travail de texture ou de sprite et s’effectue par le biais d’un simple logiciel de dessin : Photoshop, Gimp ou Krita. Les pixels seront par la suite appliqués sur un modèle 3D ou animés sous forme de sprite et créeront un personnage ou un élément du background.

Cependant, dans le cas des modèles 3D, ces derniers servent principalement de base : les textures en Pixel Art devront s’adapter en conséquence pour suivre leurs mouvements. Dans l’absolu, cette technique est aussi simple qu’elle y paraît : il suffit de dessiner carré par carré tous les éléments qui composent une image. Bien entendu, il existe de nombreux outils et techniques pour faciliter ce procédé. La plupart des logiciels permettent par exemple de découper un canevas en quadrillage afin d’en faciliter la visibilité. En fonction du rendu souhaité, il est possible d’utiliser les différents outils pour appliquer automatiquement des nuances de couleurs sur les cases adjacentes aux dégradés plus ou moins prononcés. Cela peut faciliter le travail de l’artiste en créant automatiquement pour lui des textures plus effacées, mais il peut au contraire empêcher ces dépassements pour rendre leurs contours très nets.

De manière générale, il est préférable de lutter contre les configurations de base de ces logiciels visant à éviter la pixellisation par des dégradés car c’est exactement le rendu que l’on recherche ici. Il est ainsi possible de changer les options pour privilégier les bords nets (hard edges) ou éviter l’interpolation.

 

Les difficultés du Pixel Art

La véritable difficulté de la réalisation d’un pixel art repose dans deux aspects.

  • Dans un premier temps, comme précédemment énoncé, le Pixel Art fonctionne véritablement par caricature. Les personnages doivent être marquants, fluides et facilement identifiables par le biais de traits spécifiques. En conséquence, tout manque de détail lors de la réalisation technique doit idéalement être compensé par une direction artistique de qualité, qui vise à créer des environnements et personnages intéressants et bien construits.
  • Dans un second temps, particulièrement dans les cas d’animations sous forme de sprite, le Pixel Art ne représente pas toujours un gain de temps. Animer chaque image peut en effet se montrer particulièrement chronophage et plus les animations possèdent d’étapes de transition, plus ce travail s’intensifie.

 

Si vous démarrez votre business en tant que studio indépendant, utiliser le Pixel Art est une option à sérieusement envisager. Il s’agit d’une technique populaire, efficace et qui permet d’économiser sur les ressources du studio pour se concentrer sur des aspects tout aussi cruciaux, tels que le gameplay ou le game design. Les Game Artists pourront également s’inspirer de ces créations pour leurs futurs projets. Si vous souhaitez intégrer les métiers liés au monde du gaming et de la création vidéoludique, Campus des Écoles vous propose des formations spécialement dédiées aux métiers du numérique.
 
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